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histoire d’une fille de ferme

puisque tu m’as promis le mariage. » Il se mit à rire et répondit : — « Ah bien ! si on épousait toutes les filles avec qui on a fauté, ça ne serait pas à faire. »

Mais elle le saisit à la gorge, le renversa sans qu’il pût se débarrasser de son étreinte farouche, et, l’étranglant, elle lui cria tout près, dans la figure : — « Je suis grosse, entends-tu, je suis grosse. »

Il haletait, suffoquant ; et ils restaient là tous deux, immobiles, muets dans le silence noir troublé seulement par le bruit de mâchoire d’un cheval qui tirait sur la paille du râtelier, puis la broyait avec lenteur.

Quand Jacques comprit qu’elle était la plus forte, il balbutia :

— Eh bien, je t’épouserai, puisque c’est ça.

Mais elle ne croyait plus à ses promesses.

— Tout de suite, dit-elle ; tu feras publier les bans.

Il répondit :

— Tout de suite.

— Jure-le sur le bon Dieu.

Il hésita pendant quelques secondes, puis, prenant son parti :

— Je le jure sur le bon Dieu.

Alors elle ouvrit les doigts et, sans ajouter une parole, s’en alla.

Elle fut quelques jours sans pouvoir lui parler, et, l’écurie se trouvant désormais fermée à clef toutes les nuits, elle n’osait pas faire de bruit de crainte du scandale.