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histoire d’une fille de ferme

saient des iris aux feuilles pareilles à des sabres, fumaient un peu comme si l’humidité des écuries et des granges se fût envolée à travers la paille.

La servante arriva sous le hangar où l’on rangeait les chariots et les voitures. Il y avait là, dans le creux du fossé, un grand trou vert plein de violettes dont l’odeur se répandait, et, par-dessus le talus, on apercevait la campagne, une vaste plaine où poussaient les récoltes, avec des bouquets d’arbres par endroits, et, de place en place, des groupes de travailleurs lointains, tout petits comme des poupées, des chevaux blancs pareils à des jouets, traînant une charrue d’enfant poussée par un bonhomme haut comme le doigt.

Elle alla prendre une botte de paille dans un grenier et la jeta dans ce trou pour s’asseoir dessus ; puis, n’étant pas à son aise, elle défit le lien, éparpilla son siège et s’étendit sur le dos, les deux bras sous sa tête et les jambes allongées.

Tout doucement elle fermait les yeux, assoupie dans une mollesse délicieuse. Elle allait même s’endormir tout à fait, quand elle sentit deux mains qui lui prenaient la poitrine, et elle se redressa d’un bond. C’était Jacques, le garçon de ferme, un grand Picard bien découplé, qui la courtisait depuis quelque temps. Il travaillait ce jour-là dans la bergerie, et, l’ayant vue s’étendre à l’ombre, il était venu à pas de loup, retenant son haleine, les yeux brillants, avec des brins de paille dans les cheveux.

Il essaya de l’embrasser, mais elle le gifla, forte