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Le plus stupéfiant, c’est que la société tout entière ne se révolte pas à ce seul mot de guerre.

Ah ! nous vivrons encore pendant des siècles sous le poids des vieilles et odieuses coutumes, des criminels préjugés, des idées féroces de nos barbares aïeux.

N’aurait-on pas honni tout autre que Victor Hugo qui eût jeté ce grand cri de délivrance et de vérité ?

Aujourd’hui, la force s’appelle la violence et commence à être jugée ; la guerre est mise en accusation. La civilisation, sur la plainte du genre humain, instruit le procès et dresse le grand dossier criminel des conquérants et des capitaines. Les peuples en viennent à comprendre que l’agrandissement d’un forfait n’en saurait être la diminution ; que si tuer est un crime, tuer beaucoup n’en peut pas être la circonstance atténuante ; que si voler est une honte, envahir ne saurait être une gloire.