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de dromadaires. Quand nous passons au milieu d’eux, ils nous regardent de leurs gros yeux luisants, et on se croirait aux premiers temps du monde, aux jours où le créateur hésitant jetait à poignées sur la terre, comme pour juger la valeur et l’effet de son oeuvre douteuse, les races informes qu’il a depuis peu à peu détruites, tout en laissant survivre quelques types primitifs sur ce grand continent négligé, l’Afrique, où il a oublié dans les sables la girafe, l’autruche et le dromadaire.

Ah ! la drôle et gentille chose que voici : une chamelle qui vient de mettre bas, et qui s’en va, vers le campement, suivie de son chamelet que poussent, avec des branches, deux petits Arabes dont la figure n’arrive pas au derrière du petit chameau. Il est grand, lui, déjà, monté sur des jambes très hautes portant un rien du tout de corps que terminent un cou d’oiseau et une tête étonnée dont les yeux regardent depuis un quart d’heure seulement ces choses nouvelles : le jour, la lande et la bête qu’il suit. Il marche très bien pourtant, sans embarras, sans hésitation, sur ce terrain inégal, et il commence à flairer la mamelle, car la nature ne l’a fait si haut, cet animal vieux de quelques minutes, que pour lui per-