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Ce grand étang servait autrefois de refuge aux flottes des habitants d’Aphrodisium, pirates redoutables qui s’embusquaient et se réfugiaient là.

On aperçoit au loin les ruines de cette ville, où Bélisaire fit halte dans sa marche sur Carthage. On y trouve encore un arc de triomphe, les restes d’un temple de Vénus et d’une immense forteresse.

Sur le seul territoire de l’Enfida, on rencontre ainsi les vestiges de dix-sept cités romaines. Là-bas, sur le rivage est Hergla, qui fut l’opulente Aurea Coelia d’Antonin, et si, au lieu d’incliner vers Kairouan, nous continuions en ligne droite, nous verrions, le soir du troisième jour de marche, se dresser dans une plaine absolument inculte l’amphithéâtre de Ed-Djem, aussi grand que le Colisée de Rome, débris colossal qui pouvait contenir 80,000 spectateurs.

Autour de ce géant, qui serait presque intact si Hamouda, bey de Tunis, ne l’avait pas fait ouvrir à coups de canon pour en déloger les Arabes qui refusaient de payer l’impôt, on a trouvé, de place en place, quelques traces d’une grande ville luxueuse, de vastes citernes et un immense chapiteau corinthien de l’art le plus pur, bloc unique de marbre blanc.