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majestueuse, en effet, qu’on le salue avec respect. Il répond, d’une voix de souverain, quelques mots qui signifient : « Soyez les bienvenus ; je suis heureux de vous voir. » Puis il cesse de nous regarder.

Depuis quinze ans, cet homme ne s’est point couché. Il dort assis sur une marche, au milieu de l’escalier de pierre de l’hôpital. On ne l’a jamais vu s’étendre.

Que m’importent à présent, les autres malades, si peu nombreux, d’ailleurs, qu’on les compte dans les grandes salles blanches, d’où l’on voit par les fenêtres s’étaler la ville éclatante, sur qui semblent bouillonner les dômes des koubbas et des mosquées.

Je m’en vais troublé d’une émotion confuse, plein de pitié, peut-être d’envie, pour quelques-uns de ces hallucinés, qui contiennent dans cette prison, ignorée d’eux, le rêve trouvé, un jour, au fond de la petite pipe bourrée de quelques feuilles jaunes.

Le soir de ce même jour un fonctionnaire français, armé d’un pouvoir spécial, m’offrit de me faire pénétrer dans quelques mauvais lieux de plaisirs arabes, ce qui est fort difficile aux étrangers.