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âme et des yeux qui ne ressemblaient point aux nôtres, et dans leurs veines, avec leur sang, coulait quelque chose de disparu : l’amour et l’admiration du Beau.

Mais nous repartons vers Catane, d’où je veux gravir le volcan.

De temps en temps, entre deux monts, on l’aperçoit coiffé d’un nuage immobile de vapeurs sorties du cratère.

Partout, autour de nous, le sol est brun, d’une couleur de bronze. Le train court sur un rivage de lave.

Le monstre est loin, pourtant, à 36 ou 40 kilomètres, peut-être. On comprend alors combien il est énorme. De sa gueule noire et démesurée, il a vomi, de temps en temps, un flot brûlant de bitume qui, coulant sur ses pentes douces ou rapides, comblant des vallées, ensevelissant des villages, noyant des hommes comme un fleuve, est venu s’éteindre dans la mer en la refoulant devant lui. Ils ont fait des falaises, des montagnes, des ravins, ces flots lents, pâteux et rouges, et, devenus sombres en se durcissant, ils ont étendu, tout autour de l’immense volcan, un pays noir et bizarre, crevassé, bosselé, tortueux, invraisemblable, dessiné par le hasard