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Jadis, quand mourait un seigneur, le chef des bardes, debout à la tête de la bière, célébrait en vers tristes les qualités du défunt. À la fin de chaque stance, le chœur, placé près des pieds, criait l’ullaloo que la foule, les amis, les parents, les serviteurs, les paysans, répétait en masse comme une meute des chiens hurleurs.

L’ullaloo a, dans chaque province, un accent propre, si particulier que l’oreille la moins exercée la reconnaît à de grandes distances.

Aujourd’hui même, quand un convoi passe dans la rue d’une ville ou sur une route de campagne, la foule le suit. Non seulement elle le suit, mais elle pleure avec les parents de vraies larmes, jusqu’au cimetière.

Cette facilité à s’attendrir est générale dans ce pays ; et l’auteur des Esquisses philosophiques affirme avoir vu une quantité de gens sangloter autour d’une vieille femme qui semblait désespérée. Ayant demandé la cause de cette douleur universelle, il apprit que la vieille avait perdu deux schellings.