Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signe de se taire, et passant entre les deux haies de communiants perdus en des extases de bonheur, il s’approcha jusqu’à la grille du chœur.

L’assemblée s’était assise au milieu d’un bruit de chaises, et tout le monde à présent se mouchait avec force. Dès qu’on aperçut le curé, on fit silence, et il commença à parler d’un ton très bas, hésitant, voilé. — « Mes chers frères, mes chères sœurs, mes enfants, je vous remercie du fond du cœur ; vous venez de me donner la plus grande joie de ma vie. J’ai senti Dieu qui descendait sur nous à mon appel. Il est venu, il était là, présent, qui emplissait vos âmes, faisait déborder vos yeux. Je suis le plus vieux prêtre du diocèse, j’en suis aussi, aujourd’hui, le plus heureux. Un miracle s’est fait parmi nous, un vrai, un grand, un sublime miracle. Pendant que Jésus-Christ pénétrait pour la première fois dans le corps de ces petits, le Saint-Esprit, l’oiseau céleste, le souffle de Dieu, s’est abattu sur vous, s’est emparé de vous, vous a saisis, courbés comme des roseaux sous la brise. »