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Il comprit, et, comme un fou, s’élança dans l’île.

Il courut d’abord vers Chatou, mais, devant la plaine, il retourna sur ses pas. Alors il se mit à fouiller l’épaisseur des taillis, à vagabonder éperdument, s’arrêtant parfois pour écouter.

Les crapauds, par tout l’horizon, lançaient leur note métallique et courte.

Vers Bougival un oiseau inconnu modulait quelques sons qui arrivaient affaiblis par la distance. Sur les larges gazons la lune versait une molle clarté, comme une poussière de ouate ; elle pénétrait les feuillages, faisait couler sa lumière sur l’écorce argentée des peupliers, criblait de sa pluie brillante les sommets frémissants des grands arbres. La grisante poésie de cette soirée d’été entrait dans Paul malgré lui, traversait son angoisse affolée, remuait son cœur avec une ironie féroce, développant jusqu’à la rage en son âme douce et contemplative ses besoins d’idéale tendresse, d’épanchements passionnés dans le sein d’une femme adorée et fidèle.