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fleuve en deux à la pointe de l’île. Lui se perdait dans une explication, lorsque, à travers le fracas de la cascade, un chant d’oiseau qui semblait très lointain les frappa. — « Tiens, dit-il, les rossignols chantent dans le jour : c’est donc que les femelles couvent. »

Un rossignol ! Elle n’en avait jamais entendu, et l’idée d’en écouter un fit se lever dans son cœur la vision des poétiques tendresses. Un rossignol ! c’est-à-dire l’invisible témoin des rendez-vous d’amour qu’invoquait Juliette sur son balcon : cette musique du ciel accordée aux baisers des hommes ; cet éternel inspirateur de toutes les romances langoureuses qui ouvrent un idéal bleu aux pauvres petits cœurs des fillettes attendries !

Elle allait donc entendre un rossignol.

— Ne faisons pas de bruit, dit son compagnon, nous pourrons descendre dans le bois et nous asseoir tout près de lui.

La yole semblait glisser. Des arbres se montrèrent sur l’île, dont la berge était si basse que les yeux plongeaient dans l’épaisseur des fourrés. On s’arrêta ; le bateau fut attaché ;