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Elle résolut de travailler si fort qu’on serait obligé d’augmenter ses gages.

Alors, peu à peu, elle accapara la besogne autour d’elle, fit renvoyer une servante qui devenait inutile depuis qu’elle peinait autant que deux, économisa sur le pain, sur l’huile et sur la chandelle, sur le grain qu’on jetait trop largement aux poules, sur le fourrage des bestiaux qu’on gaspillait un peu. Elle se montra avare de l’argent du maître comme si c’eût été le sien, et, à force de faire des marchés avantageux, de vendre cher ce qui sortait de la maison et de déjouer les ruses des paysans qui offraient leurs produits, elle eut seule le soin des achats et des ventes, la direction du travail des gens de peine, le compte des provisions ; et, en peu de temps, elle devint indispensable. Elle exerçait une telle surveillance autour d’elle, que la ferme, sous sa direction, prospéra prodigieusement. On parlait à deux lieues à la ronde de la « servante à maître Vallin » ; et le fermier répétait partout : « Cette fille-là, ça vaut mieux que de l’or. »