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LA MAISON TELLIER.

commerce, le soupirant attitré mais platonique de Madame, causait tout bas avec elle dans un coin ; et ils souriaient tous les deux comme si une entente était près de se faire. M. Poulin, l’ancien maire, tenait Rosa à cheval sur ses jambes ; et elle, nez à nez avec lui, promenait ses mains courtes dans les favoris blancs du bonhomme. Un bout de cuisse nue passait sous la jupe de soie jaune relevée, coupant le drap noir du pantalon, et les bas rouges étaient serrés par une jarretière bleue, cadeau du commis voyageur.

La grande Fernande, étendue sur le sopha, avait les deux pieds sur le ventre de M. Pimpesse, le percepteur, et le torse sur le gilet du jeune M. Philippe dont elle accrochait le cou de sa main droite, tandis que de la gauche elle tenait une cigarette.

Raphaële semblait en pourparlers avec M. Dupuis, l’agent d’assurances, et elle termina l’entretien par ces mots : — « Oui, mon chéri, ce soir, je veux bien. » — Puis, faisant seule un tour de valse rapide à travers le salon : — « Ce soir, tout ce qu’on voudra, » cria-t-elle.

La porte s’ouvrit brusquement et M. Tournevau parut. Des cris enthousiastes éclatèrent : — « Vive Tournevau ! » — Et Raphaële, qui pivotait toujours, alla tomber sur son cœur.