Page:Maupassant - La Maison Tellier, OC, Conard, 1908.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
LES CONSEILS D’UNE GRAND’MÈRE.

Deux balles étaient demeurées dans la poitrine, une dans l’épaule, l’autre dans la hanche. Le monsieur resterait estropié toute sa vie. La jeune fille avait été acquittée aux applaudissements de la foule, et le journal maltraitait fort ce séducteur de vierges faciles.

Cette fois la vieille grand-mère se révolta tout à fait, et, la voix tremblante :

— Mais vous êtes donc fous aujourd’hui, vous êtes fous. Le bon Dieu vous a donné l’amour, la seule séduction de la vie ; l’homme y a mêlé la galanterie, la seule distraction de nos heures, et voilà que vous y mettez du vitriol et du revolver, comme on mettrait de la boue dans un flacon de vin d’Espagne !

Berthe ne paraissait pas comprendre l’indignation de son aïeule.

— Mais, grand’mère, cette femme s’est vengée. Songe donc, elle était mariée, et son mari la trompait.

La grand-mère eut un soubresaut.

— Quelles idées vous donne-t-on, à vous autres, jeunes filles d’aujourd’hui ?

Berthe répondit :

— Mais le mariage, c’est sacré, grand’mère.

L’aïeule tressaillit en son cœur de femme née encore au grand siècle galant.