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MA FEMME.

dit avec un air sincère : « Oh ! si c’était à recommencer !… » Georges Duportin ajouta : « C’est extraordinaire comme on tombe là dedans facilement. On était bien décidé à ne jamais prendre femme ; et puis, au printemps on part pour la campagne ; il fait chaud ; l’été se présente bien ; l’herbe est fleurie ; on rencontre une jeune fille chez des amis… vlan ! c’est fait. On revient marié. »

Pierre Létoile s’écria : « Juste ! c’est mon histoire, seulement j’ai des détails particuliers… »

Son ami l’interrompit : « Quant à toi ne te plains pas. Tu as bien la plus charmante femme du monde, jolie, aimable, parfaite ; tu es, certes, le plus heureux de nous. »

L’autre reprit :

— Ce n’est pas ma faute.

— Comment ça ?

— C’est vrai que j’ai une femme parfaite ; mais je l’ai bien épousée malgré moi.

— Allons donc !

— Oui… Voici l’aventure. J’avais trente-cinq ans, et je ne pensais pas plus à me marier qu’à me pendre. Les jeunes filles me semblaient insipides et j’adorais le plaisir.

Je fus invité, au mois de mai, à la noce de mon cousin Simon d’Erabel, en Normandie. Ce fut une vraie noce normande. On se mit