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voyons vivre chaque jour sous la toile transparente de ses tentes, à qui nous imposons nos lois, nos règlements et nos coutumes, et dont nous ignorons tout, mais tout, entendez-vous, comme si nous n’étions pas là, uniquement occupés à le regarder depuis bientôt soixante ans. Nous ne savons pas davantage ce qui se passe sous cette hutte de branches et sous ce petit cône d’étoffe cloué sur la terre avec des pieux, à vingt mètres de nos portes, que nous ne savons encore ce que font, ce que pensent, ce que sont les Arabes dits civilisés des maisons mauresques d’Alger. Derrière le mur peint à la chaux de leur demeure des villes, derrière la cloison de branches de leur gourbi, ou derrière ce mince rideau brun de poil de chameau que secoue le vent, ils vivent près de nous, inconnus, mystérieux, men-