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Et l’abbé dit résolument :

— Maintenant, je vous écoute.

Philippe-Auguste emplit avec tranquillité son assiette de dessert et son verre de vin. La seconde bouteille était presque vide, bien que le curé n’y eût point touché.

Le jeune homme reprit, bégayant, la bouche empâtée de nourriture et de saoulerie :

— La dernière, la voilà. C’en est une rude : J’étais revenu à la maison… et j’y restais malgré eux parce qu’ils avaient peur de moi… peur de moi… Ah ! faut pas qu’on m’embête, moi… je suis capable de tout quand on m’embête… Vous savez… ils vivaient ensemble et pas ensemble. Il avait deux domiciles, lui, un domicile de sénateur et un domicile d’amant. Mais il vivait chez maman plus souvent que chez lui, car il ne pouvait plus se passer d’elle. Ah !… en voilà une fine, et une forte… maman… elle savait vous tenir un homme, celle-là ! Elle l’avait pris corps et âme, et elle l’a gardée jusqu’à la fin. C’est-il bête, les hommes ! Donc, J’étais revenu et je les maîtrisais par la peur. Je suis débrouillard, moi, quand il faut, et pour la malice, pour la ficelle, pour la poigne aussi, je ne crains personne. Voilà que maman tombe malade et