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vie qu’un grand romancier payerait cher. Vrai, le père Dumas, avec son Monte-Cristo, n’en a pas trouvé de plus cocasses que celles qui me sont arrivées.

Il se tut, avec une gravité philosophique d’homme gris qui réfléchit, puis, lentement :

— Quand on veut qu’un garçon tourne bien, on ne devrait jamais l’envoyer dans une maison de correction, à cause des connaissances de là-dedans, quoi qu’il ait fait. J’en avais fait une bonne, moi, mais elle a mal tourné. Comme je me baladais avec trois camarades, un peu éméchés tous les quatre, un soir, vers neuf heures, sur la grand-route, auprès du gué de Folac, voilà que je rencontre une voiture où tout le monde dormait, le conducteur et sa famille ; c’étaient des gens de Martinon qui revenaient de dîner à la ville. Je prends le cheval par la bride, je le fais monter dans le bac du passeur et je pousse le bac au milieu de la rivière. Ça fait du bruit, le bourgeois qui conduisait se réveille, il ne voit rien, il fouette. Le cheval part et saute dans le bouillon avec la voiture. Tous noyés ! Les camarades m’ont dénoncé. Ils avaient bien ri d’abord en me voyant faire ma farce. Vrai, nous n’avions pas pensé que ça tournerait si