Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/79

Cette page n’a pas encore été corrigée

gendarme rencontré. Il en tira une photographie, une de ces cartes grandes comme une lettre, qu’on faisait souvent autrefois, jaunie, fatiguée, traînée longtemps partout, chauffée contre la chair de cet homme et ternie par sa chaleur.

Alors, l’élevant à côté de sa figure, il demanda :

— Et celui-là, le connaissez-vous ?

L’abbé fit deux pas pour mieux voir et demeura pâlissant, bouleversé, car c’était son propre portrait, fait pour Elle, à l’époque lointaine de son amour.

Il ne répondait rien, ne comprenant pas.

Le vagabond répéta :

— Le reconnaissez-vous, celui-là ?

Et le prêtre balbutia :

— Mais oui.

— Qui est-ce ?

— C’est moi.

— C’est bien vous ?

— Mais oui.

— Eh bien ! regardez-nous tous les deux, maintenant, votre portrait et moi !

Il avait vu déjà, le misérable homme, il avait vu que ces deux êtres, celui de la carte et celui qui riait à côté, se ressemblaient