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routes, car il connaissait l’âme timorée de Marguerite qui ne pouvait séjourner à la bastide sans s’imaginer tout le long des jours et surtout des nuits qu’ils allaient être assassinés.

Il donna quelques sous au marin qui s’en alla, et, comme il disait, ayant conservé toutes ses habitudes de soins et de tenue d’ancien mondain : "Je vas me passer un peu d’eau sur le nez et sur les mains", Marguerite lui cria de sa cuisine où elle grattait à rebours, avec un couteau, le dos du loup dont les écailles, un peu tachées de sang, se détachaient comme d’infimes piécettes d’argent :

— Tenez le voilà !

L’abbé vira vers la route et aperçut en effet un homme, qui lui parut, de loin, fort mal vêtu, et qui s’en venait à petits pas vers la maison. Il l’attendit, souriant encore de la terreur de sa domestique, et pensant : "Ma foi, je crois qu’elle a raison, il a bien l’air d’un maoufatan."

L’inconnu approchait, les mains dans ses poches, les yeux sur le prêtre, sans se hâter. Il était jeune, portait toute la barbe blonde et frisée, et des mèches de cheveux se roulaient en boucles au sortir d’un chapeau de feutre