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êtes conduite avec moi d’une façon abominable. J’ai pour mes enfants la seule tendresse de mon cœur ; vous le savez bien. Je suis pour eux un père des anciens temps, comme j’ai été pour vous le mari des anciennes familles, car je reste, moi, un homme d’instinct, un homme de la nature, un homme d’autrefois. Oui, je l’avoue, vous m’avez rendu jaloux atrocement, parce que vous êtes une femme d’une autre race, d’une autre âme, avec d’autres besoins. Ah ! les choses que vous m’avez dites, je ne les oublierai jamais. A partir de ce jour, d’ailleurs, je ne me suis plus soucié de vous. Je ne vous ai pas tuée parce que je n’aurais plus gardé un moyen sur la terre de découvrir jamais lequel de nos… de vos enfants n’est pas à moi. J’ai attendu, mais j’ai souffert plus que vous ne sauriez croire, car je n’ose plus les aimer, sauf les deux aînés peut-être ; je n’ose plus les regarder, les appeler, les embrasser ; je ne peux plus en prendre un sur mes genoux sans me demander : N’est-ce pas celui-là ? J’ai été avec vous correct et même doux et complaisant depuis six ans. Dites-moi la vérité et je vous jure que je ne ferai rien de mal.