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de la brute sont contents et satisfaits. Mais les autres, les poètes, les délicats, les rêveurs, les chercheurs, les inquiets ? Ah ! les pauvres gens !

— Je mange des choux et des carottes, sacrebleu, des oignons, des navets et des radis, parce que nous avons été contraints de nous y accoutumer, même d’y prendre goût, et parce qu’il ne pousse pas autre chose, mais c’est là une nourriture de lapins et de chèvres, comme l’herbe et le trèfle sont des nourritures de cheval et de vache. Quand je regarde les épis d’un champ de blé mûr, je ne doute pas que cela n’ait germé dans le sol pour des becs de moineaux ou d’alouettes, mais non point pour ma bouche. En mastiquant du pain, je vole donc les oiseaux, comme je vole la belette et le renard en mangeant des poules. La caille, le pigeon et la perdrix ne sont-ils pas les proies naturelles de l’épervier ; le mouton, le chevreuil et le boeuf, celle des grands carnassiers, plutôt que des viandes engraissées pour nous être servies rôties avec des truffes qui auraient été déterrées, spécialement pour nous, par les cochons ?

— Mais, mon cher, les animaux n’ont rien à faire pour vivre ici-bas. Ils sont chez eux, logés