Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’avait pas été préparé pour recevoir, loger, nourrir et contenter des êtres pensants, et nous lui devons aussi d’avoir à lutter sans cesse, quand nous sommes vraiment des raffinés et des civilisés, contre ce qu’on appelle encore les desseins de la Providence.

Grandin, qui l’écoutait avec attention, connaissant de longue date les surprises éclatantes de sa fantaisie lui demanda :

— Alors, tu crois que la pensée humaine est un produit spontané de l’aveugle parturition divine ?

— Parbleu ! une fonction fortuite de centres nerveux de notre cerveau, pareille aux actions chimiques imprévues dues à des mélanges nouveaux, pareille aussi à une production d’électricité, créée par des frottements ou des voisinages inattendus, à tous les phénomènes enfin engendrés par les fermentations infinies et fécondes de la matière qui vit.

— Mais, mon cher, la preuve en éclate pour quiconque regarde autour de soi. Si la pensée humaine, voulue par un créateur conscient, avait dû être ce qu’elle est devenue, si différente de la pensée et de la résignation animales, exigeante, chercheuse, agitée, tourmentée,