Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée


Au fond des noirs magasins, on voyait s’entasser les bahuts sculptés, les faïences de Rouen, de Nevers, de Moustiers, des statues peintes, d’autres en chêne, des Christ, des vierges, des saints, des ornements d’église, des chasubles, des chapes, même des vases sacrés et un vieux tabernacle en bois doré d’où Dieu avait déménagé. Oh ! les singulières cavernes en ces hautes maisons, en ces grandes maisons, pleines, des caves aux greniers, d’objets de toute nature, dont l’existence semblait finie, qui survivaient à leurs naturels possesseurs, à leur siècle, à leur temps, à leurs modes, pour être achetés, comme curiosités, par les nouvelles générations.

Ma tendresse pour les bibelots se réveillait dans cette cité d’antiquaires. J’allais de boutique en boutique, traversant, en deux enjambées, les ponts de quatre planches pourries jetées sur le courant nauséabond de l’Eau de Robec. Miséricorde ! Quelle secousse ! Une de mes plus belles armoires m’apparut au bord d’une voûte encombrée d’objets et qui semblait l’entrée des catacombes d’un cimetière de meubles anciens. Je m’approchai tremblant