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tandis que l’isolement les calme, les baigne de repos dans l’indépendance et la fantaisie de leur pensée.

En somme, il y a là un normal phénomène psychique. Les uns sont doués pour vivre en dehors, les autres pour vivre en dedans. Moi, j’ai l’attention extérieure courte et vite épuisée, et, dès qu’elle arrive à ses limites, j’en éprouve, dans tout mon corps et dans toute mon intelligence, un intolérable malaise.

Il en est résulté que je m’attache, que je m’étais attaché beaucoup aux objets inanimés qui prennent, pour moi, une importance d’êtres, et que ma maison est devenue, était devenue, un monde où je vivais d’une vie solitaire et active, au milieu de choses, de meubles, de bibelots familiers, sympathiques à mes yeux comme des visages. Je l’en avais emplie peu à peu, je l’en avais parée, et je me sentais dedans, content, satisfait, bienheureux comme entre les bras d’une femme aimable dont la caresse accoutumée est devenue un calme et doux besoin.

J’avais fait construire cette maison dans un beau jardin qui l’isolait des routes, et à la porte d’une ville où je pouvais trouver, à l’occasion, les ressources de société dont je