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charmante, aussi bonne, aussi tendre que jolie, et il l’épouse.

Pendant quelque temps, il se conduit envers elle en époux plein de soins et de tendresse ; puis il la néglige, la rudoie, semble éprouver pour elle une répulsion insurmontable, un dégoût irrésistible. Un jour même il la frappe, non seulement sans aucune raison, mais même sans aucun prétexte.

Je ne vous ferai point le tableau, Messieurs, de ses allures bizarres, incompréhensibles pour tous. Je ne vous dépeindrai point la vie abominable de ces deux êtres, et la douleur horrible de cette jeune femme.

Il me suffira pour vous convaincre de vous lire quelques fragments d’un journal écrit chaque jour par ce pauvre homme, par ce pauvre fou. Car c’est en face d’un fou que nous nous trouvons, Messieurs, et le cas est d’autant plus curieux, d’autant plus intéressant qu’il rappelle en beaucoup de points la démence du malheureux prince, mort récemment, du roi bizarre qui régna platoniquement sur la Bavière. J’appellerai ce cas : la folie poétique.

Vous vous rappelez tout ce qu’on raconta de ce prince étrange. Il fit construire au mi-