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Au café, on lui payait des tournées pour le garder, et il buvait intrépidement, riant et plaisantant, blaguant tout le monde sans fâcher personne, pendant qu’on se tordait autour de lui.

Il était si drôle que les filles elles-mêmes ne lui résistaient pas, tant elles riaient, bien qu’il fût très laid. Il les entraînait, en blaguant, derrière un mur, dans un fossé, dans une étable, puis il les chatouillait et les pressait, avec des propos si comiques qu’elles se tenaient les côtes en le repoussant. Alors il gambadait, faisait mine de se vouloir pendre, et elles se tordaient, les larmes aux yeux ; il choisissait un moment et les culbutait avec tant d’à-propos qu’elles y passaient toutes, même celles qui l’avaient bravé, histoire de s’amuser.

Donc, vers la fin de juin il s’engagea, pour faire la moisson, chez maître Le Harivau, près de Rouville. Pendant trois semaines entières il réjouit les moissonneurs, hommes et femmes, par ses farces, tant le jour que la nuit. Le jour on le voyait dans la plaine, au milieu des épis fauchés, on le voyait coiffé d’un vieux chapeau de paille qui cachait son toupet roussâtre, ramassant avec ses longs bras