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tout près de Jean, quand Mathieu parut à dix pas de nous : — Jean, cria-t-il, ne va pas à Albertacce, n’y va pas, Jean, ou je te tue, je te le dis. — Je pris le bras de Jean : — N’y va pas, Jean, il le ferait. — (C’était pour une fille qu’ils suivaient tous deux, Paulina Sinacoupi.) Mais Jean se mit à crier : — J’irai, Mathieu, ce n’est pas toi qui m’empêcheras. — Alors Mathieu abaissa son fusil avant que j’eusse pu ajuster le mien, et il tira. Jean fit un grand saut de deux pieds, comme un enfant qui danse à la corde, oui, monsieur, et il me retomba en plein sur le corps, si bien que mon fusil m’échappa et roula jusqu’au gros châtaignier, là-bas. Jean avait la bouche grande ouverte, mais il ne dit pas un mot. Il était mort. »

Je regardais, stupéfait, le tranquille témoin de ce crime. Je demandai : « Et l’assassin ? » Paoli Calabretti toussa longtemps, puis il reprit : « Il a gagné la montagne. C’est mon frère qui l’a tué, l’an suivant. Vous savez bien, mon frère, Calabretti, le fameux bandit ?… » Je balbu-