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dire son ennemie personnelle, la désolation, le supplice de sa vie ; et il la poursuivit avec acharnement comme un chasseur poursuit sa proie, l’atteignant jusqu’au fond des plus grands cerveaux. Il avait, pour la découvrir, des subtilités de limier, et son œil rapide tombait dessus, qu’elle se cachât dans les colonnes d’un journal ou même entre les pages d’un beau livre. Il en arrivait parfois à un tel degré d’exaspération, qu’il aurait voulu détruire la race entière ; et sa haine contre le « bourgeois » n’est qu’une haine contre la bêtise.

Après l’énumération de ses lectures effrayantes, il écrivait un jour : « Et tout cela dans l’unique but de cracher sur mes contemporains le dégoût qu’ils m’inspirent. Je vais enfin dire ma manière de penser, exhaler mon ressentiment, vomir ma haine, expectorer mon fiel, déterger mon indignation… »