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napé de forme ronde. On voyait aussi sur ce meuble la Revue des Deux Mondes, un peu fripée, fatiguée, avec des pages cornées, comme si on l’avait lue et relue, puis d’autres publications non coupées, les Arts modernes, qu’on doit recevoir uniquement à cause du prix, l’abonnement coûtant quatre cents francs par an, et la Feuille libre, mince plaquette à couverture bleue, où se répandent les poètes les plus récents qu’on appelle les « Énervés ».

Entre les fenêtres, le bureau de la comtesse, meuble coquet du dernier siècle, sur lequel elle écrivait les réponses aux questions pressées apportées pendant les réceptions. Quelques ouvrages encore sur ce bureau, les livres familiers, enseigne de l’esprit et du cœur de la femme : Musset, Manon, Lescaut, Werther ; et, pour montrer qu’on n’était pas étranger aux sensations compliquées et aux mystères de la psychologie, les Fleurs du mal, le Rouge et le Noir, la Femme au XVIIIe siècle, Adolphe.

À côté des volumes, un charmant miroir à main, chef-d’œuvre d’orfèvrerie, dont la glace était retournée sur un carré de velours brodé, afin qu’on pût admirer sur le dos un curieux travail d’or et d’argent.

Bertin le prit et se regarda dedans. Depuis quelques années il vieillissait terriblement, et bien