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dans les réalités, ils n’aiment rien véritablement, que le luxe même de leur existence est une satisfaction de vanité et non l’apaisement d’un besoin raffiné de leur corps, car on mange mal chez eux, on y boit de mauvais vins, payés fort cher.

— Ils vivent, disait-il, à côté de tout, sans rien voir et rien pénétrer ; à côté de la science qu’ils ignorent ; à côté de la nature qu’ils ne savent pas regarder ; à côté du bonheur, car ils sont impuissants à jouir ardemment de rien ; à côté de la beauté du monde ou de la beauté de l’art, dont ils parlent sans l’avoir découverte, et même sans y croire, car ils ignorent l’ivresse de goûter aux joies de la vie et de l’intelligence. Ils sont incapables de s’attacher à une chose jusqu’à l’aimer uniquement, de s’intéresser à rien jusqu’à être illuminés par le bonheur de comprendre.

Le baron de Corbelle crut devoir prendre la défense de la bonne compagnie.

Il le fit avec des arguments inconsistants et irréfutables, de ces arguments qui fondent devant la raison comme la neige au feu, et qu’on ne peut saisir, des arguments absurdes et triomphants de curé de campagne qui démontre Dieu. Il compara, pour finir, les gens du monde aux chevaux de course qui ne servent à rien, à vrai dire, mais qui sont la gloire de la race chevaline.

Bertin, gêné devant cet adversaire, gardait main-