Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait dû lutter contre un commencement d’embonpoint, qu’elle domina très vite.

Mme de Guilleroy demanda :

— Dites comment vous avez fait ?

Et la baronne expliqua la méthode employée par toutes les femmes élégantes du jour. On ne buvait pas en mangeant. Une heure après le repas seulement, on se permettait une tasse de thé, très chaud, brûlant. Cela réussissait à tout le monde. Elle cita des exemples étonnants de grosses femmes devenues, en trois mois, plus fines que des lames de couteau. La duchesse exaspérée s’écria :

— Dieu ! que c’est bête de se torturer ainsi ! Vous n’aimez rien, mais rien, pas même le champagne. Voyons, Bertin, vous qui êtes artiste, qu’en pensez-vous ?

— Mon Dieu, Madame, je suis peintre, je drape, ça m’est égal ! Si j’étais sculpteur, je me plaindrais.

— Mais vous êtes homme, que préférez-vous ?

— Moi ?… une… élégance un peu nourrie, ce que ma cuisinière appelle un bon petit poulet de grain. Il n’est pas gras, il est plein et fin.

La comparaison fit rire ; mais la comtesse incrédule regardait sa fille et murmurait :

— Non, c’est très gentil d’être maigre, les femmes qui restent maigres ne vieillissent pas.

Ce point-là fut encore discuté et partagea la société. Tout le monde, cependant, se trouva à peu