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— La duchesse a-t-elle été voir l’exposition des Intempérants ?

— Non, qu’est-ce que c’est ?

— Un groupe d’artistes nouveaux, des impressionnistes à l’état d’ivresse. Il y en a deux très forts.

La grande dame murmura avec dédain :

— Je n’aime pas les plaisanteries de ces messieurs.

Autoritaire, brusque, n’admettant guère d’autre opinion que la sienne, fondant la sienne uniquement sur la conscience de sa situation sociale, considérant, sans bien s’en rendre compte, les artistes et les savants comme des mercenaires intelligents chargés par Dieu d’amuser les gens du monde ou de leur rendre des services, elle ne donnait d’autre base à ses jugements que le degré d’étonnement et de plaisir irraisonné que lui procurait la vue d’une chose, la lecture d’un livre ou le récit d’une découverte.

Grande, forte, lourde, rouge, parlant haut, elle passait pour avoir grand air parce que rien ne la troublait, qu’elle osait tout dire et protégeait le monde entier, les princes détrônés par ses réceptions en leur honneur, et même le Tout-Puissant, par ses largesses au clergé et ses dons aux églises.

Musadieu reprit :

— La duchesse sait-elle qu’on croit avoir arrêté l’assassin de Marie Lambourg ?