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Les deux autres hommes la saluèrent avec une certaine familiarité distinguée, car la duchesse avait des façons d’être cordiales et brusques.

Veuve du général duc de Mortemain, mère d’une fille unique mariée au prince de Salia, fille du marquis de Farandal, de grande origine et royalement riche, elle recevait dans son hôtel de la rue de Varenne toutes les notoriétés du monde entier, qui se rencontraient et se complimentaient chez elle. Aucune Altesse ne traversait Paris sans dîner à sa table, et aucun homme ne pouvait faire parler de lui sans qu’elle eût aussitôt le désir de le connaître. Il fallait qu’elle le vît, qu’elle le fît causer, qu’elle le jugeât. Et cela l’amusait beaucoup, agitait sa vie, alimentait cette flamme de curiosité hautaine et bienveillante qui brûlait en elle.

Elle s’était à peine assise, quand le même domestique cria : — Monsieur le baron et madame la baronne de Corbelle.

Ils étaient jeunes, le baron chauve et gros, la baronne fluette, élégante, très brune.

Ce couple avait une situation spéciale dans l’aristocratie française, due uniquement au choix scrupuleux de ses relations. De petite noblesse, sans valeur, sans esprit, mû dans tous ses actes par un amour immodéré de ce qui est select, comme il faut et distingué, il était parvenu, à force