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de se coucher, de ne voir personne, de dormir, d’oublier. S’étant enfermée dans sa chambre, elle demeura jusqu’au dîner étendue sur sa chaise longue, engourdie, ne voulant plus occuper son âme de cette pensée pleine de dangers.

Elle descendit à l’heure précise, étonnée d’être si calme et d’attendre son mari avec sa figure ordinaire. Il parut, portant dans ses bras leur fille ; elle lui serra la main et embrassa l’enfant, sans qu’aucune angoisse l’agitât.

M. de Guilleroy s’informa de ce qu’elle avait fait. Elle répondit avec indifférence, qu’elle avait posé comme tous les jours.

— Et le portrait, est-il beau ? dit-il.

— Il vient fort bien.

À son tour, il parla de ses affaires qu’il aimait raconter en mangeant, de la séance de la Chambre et de la discussion du projet de loi sur la falsification des denrées.

Ce bavardage, qu’elle supportait bien d’ordinaire, l’irrita, lui fit regarder avec plus d’attention l’homme vulgaire et phraseur qui s’intéressait à ces choses ; mais elle souriait en l’écoutant, et répondait aimablement, plus gracieuse même que de coutume, plus complaisante pour ces banalités. Elle pensait en le regardant : « Je l’ai trompé. C’est mon mari, et je l’ai trompé. Est-ce bizarre ? Rien ne peut plus empêcher cela, rien ne peut plus