Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/334

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En retournant chez elle, l’âme bouleversée, elle aperçut le cocher, qui attendait toujours, et lui dit :

— Vous avez votre voiture ?

— Oui, Madame ?

— C’est bien, nous la prendrons.

Puis elle courut vers sa chambre.

Follement, avec des mouvements précipités, elle jetait sur elle, accrochait, agrafait, nouait, attachait au hasard ses vêtements, puis, devant sa glace, elle releva et tordit ses cheveux à la diable, en regardant, sans y songer cette fois, son visage pâle et ses yeux hagards dans le miroir.

Quand elle eut son manteau sur les épaules, elle se précipita vers l’appartement de son mari, qui n’était pas encore prêt. Elle l’entraîna :

— Allons, disait-elle, songez donc qu’il peut mourir.

Le comte, effaré, la suivit en trébuchant, tâtant de ses pieds l’escalier obscur, cherchant à distinguer les marches pour ne point tomber.

Le trajet fut court et silencieux. La comtesse tremblait si fort que ses dents s’entre-choquaient, et elle voyait par la portière fuir les becs de gaz voilés de pluie. Les trottoirs luisaient, le boulevard était désert, la nuit sinistre. Ils trouvèrent, en arrivant, la porte du peintre demeurée ouverte, la loge du concierge éclairée et vide.