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paroles amies. Il alla donc, comme toujours, chez la comtesse.

Quand il entra, Annette était seule au salon, debout, le dos tourné, écrivant vivement l’adresse d’une lettre. Sur la table, à côté d’elle était déployé le Figaro. Bertin vit le journal en même temps que la jeune fille et demeura éperdu, n’osant plus avancer ! Oh ! si elle l’avait lu ! Elle se retourna et préoccupée, pressée, l’esprit hanté par des soucis de femme, elle lui dit :

— Ah ! bonjour, monsieur le peintre. Vous m’excuserez si je vous quitte. J’ai la couturière en haut qui me réclame. Vous comprenez, la couturière, au moment d’un mariage, c’est important. Je vais vous prêter maman qui discute et raisonne avec mon artiste. Si j’ai besoin d’elle, je vous la ferai redemander pendant quelques minutes.

Et elle se sauva, en courant un peu, pour bien montrer sa hâte.

Ce départ brusque, sans un mot d’affection, sans un regard attendri pour lui, qui l’aimait tant… tant… le laissa bouleversé. Son œil alors s’arrêta de nouveau sur le Figaro ; et il pensa : « Elle l’a lu ! On me blague, on me nie. Elle ne croit plus en moi. Je ne suis plus rien pour elle. »

Il fit deux pas vers le journal, comme on marche vers un homme pour le souffleter. Puis il se dit : « Peut-être ne l’a-t-elle pas lu tout de même.