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vraiment ravissante, tandis qu’un peu plus loin une nouvelle mariée, la marquise d’Ebelin, soulevait déjà les lorgnettes. « Joli début », se dit Bertin.

On écoutait avec une grande attention, avec une sympathie évidente, le ténor Montrosé qui se lamentait sur la vie.

Olivier pensait : « Quelle bonne blague ! Voilà Faust, le mystérieux et sublime Faust, qui chante l’horrible dégoût et le néant de tout ; et cette foule se demande avec inquiétude si la voix de Montrosé n’a pas changé. » — Alors, il écouta, comme les autres, et derrière les paroles banales du livret, à travers la musique qui éveille au fond des âmes des perceptions profondes, il eut une sorte de révélation de la façon dont Gœthe rêva le cœur de Faust.

Il avait lu autrefois le poème qu’il estimait très beau, sans en avoir été fort ému, et voilà que, soudain, il en pressentit l’insondable profondeur, car il lui semblait que, ce soir-là, il devenait lui-même un Faust.

Un peu penchée sur le devant de la loge, Annette écoutait de toutes ses oreilles ; et des murmures de satisfaction commençaient à passer dans le public, car la voix de Montrosé était mieux posée et plus nourrie qu’autrefois !

Bertin avait fermé les yeux. Depuis un mois,