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fond silence, les premières mesures de l’introduction s’élevèrent, emplirent la salle de l’invisible et irrésistible mystère de la musique qui s’épand à travers les corps, affole les nerfs et les âmes d’une fièvre poétique et matérielle, en mêlant à l’air limpide qu’on respire une onde sonore qu’on écoute.

Olivier s’assit au fond de la loge, douloureusement ému comme si les plaies de son cœur eussent été touchées par ces accents.

Mais le rideau s’étant levé, il se dressa de nouveau et il vit, dans un décor représentant le cabinet d’un alchimiste, le docteur Faust méditant.

Vingt fois déjà il avait entendu cet opéra qu’il connaissait presque par cœur, et son attention, quittant aussitôt la pièce, se porta sur la salle. Il n’en découvrait qu’un petit angle derrière l’encadrement de la scène qui cachait sa loge, mais cet angle, s’étendant de l’orchestre au paradis, lui montrait toute une fraction du public, où il reconnaissait bien des têtes. À l’orchestre, les hommes en cravate blanche, alignés côte à côte, semblaient un musée de figures familières, de mondains, d’artistes, de journalistes, toutes les catégories de ceux qui ne manquent jamais d’être où tout le monde va. Au balcon, dans les loges, il se nommait, il pointait mentalement les femmes aperçues. La comtesse de Lochrist, dans une avant-scène, était