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semblait mêler quelque chose de leur cœur un peu plus chaque jour.

Alors, sans aucun calcul, sans aucune détermination réfléchie, elle sentit croître en elle le désir naturel de le séduire, et y céda. Elle n’avait rien prévu, rien combiné ; elle fut seulement coquette, avec plus de grâce, comme on l’est par instinct envers un homme qui vous plaît davantage que les autres ; et elle mit dans toutes ses manières avec lui, dans ses regards et ses sourires, cette glu de séduction que répand autour d’elle la femme en qui s’éveille le besoin d’être aimée.

Elle lui disait des choses flatteuses qui signifiaient : « Je vous trouve fort bien, Monsieur », et elle le faisait parler longtemps, pour lui montrer, en l’écoutant avec attention, combien il lui inspirait d’intérêt. Il cessait de peindre, s’asseyait près d’elle, et, dans cette surexcitation d’esprit que provoque l’ivresse de plaire, il avait des crises de poésie, de drôlerie ou de philosophie, suivant les jours.

Elle s’amusait quand il était gai ; quand il était profond, elle tâchait de le suivre en ses développements, sans y parvenir toujours ; et lorsqu’elle pensait à autre chose, elle semblait l’écouter avec des airs d’avoir si bien compris, de tant jouir de cette initiation, qu’il s’exaltait à la regarder l’entendre, ému d’avoir découvert une âme fine, ou-