du trottoir, et il se souvenait de sa promenade avec Annette, en ce même parc, quand il avait reconnu dans sa bouche la voix de sa mère.
Il se laissa tomber sur un banc, et aspirant la sueur fraîche des pelouses arrosées, il se sentit assailli par toutes les attentes passionnées qui font de l’âme des adolescents le canevas incohérent d’un infini roman d’amour. Autrefois il avait connu ces soirs-là, ces soirs de fantaisie vagabonde où il laissait errer son caprice dans les aventures imaginaires, et il s’étonna de trouver en lui ce retour de sensations qui n’étaient plus de son âge.
Mais, comme la note obstinée de la mélodie de Schubert, la pensée d’Annette, la vision de son visage penché sous la lampe, et le soupçon bizarre de la comtesse, le ressaisissaient à tout instant. Il continuait malgré lui à occuper son cœur de cette question, à sonder les fonds impénétrables où germent, avant de naître, les sentiments humains. Cette recherche obstinée l’agitait ; cette préoccupation constante de la jeune fille semblait ouvrir à son âme une route de rêveries tendres ; il ne pouvait plus la chasser de sa mémoire ; il portait en lui une sorte d’évocation d’elle, comme autrefois il gardait, quand la comtesse l’avait quitté, l’étrange sensation de sa présence dans les murs de son atelier.
Tout à coup, impatienté de cette domination d’un souvenir, il murmura en se levant :