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de l’œil, sans y songer, ainsi qu’il faisait toujours, en la trouvant jolie. Alors il sentit sur lui le regard de la mère, et brusquement il tourna la tête, comme s’il eût cherché quelque chose dans le coin sombre du salon.

La comtesse prit sur sa table à ouvrage un petit étui d’or qu’elle avait reçu de lui, elle l’ouvrit, et lui tendant des cigarettes :

— Fumez, mon ami, vous savez que j’aime ça, lorsque nous sommes seuls ici.

Il obéit, et le piano se mit à chanter. C’était une musique d’un goût ancien, gracieuse et légère, une de ces musiques qui semblent avoir été inspirées à l’artiste par un soir très doux de clair de lune, au printemps.

Olivier demanda :

— De qui est-ce donc ?

La comtesse répondit :

— De Méhul. C’est fort peu connu et charmant.

Un désir grandissait en lui de regarder Annette, et il n’osait pas. Il n’aurait eu qu’un petit mouvement à faire, un petit mouvement du cou, car il apercevait de côté les deux mèches de feu des bougies éclairant la partition, mais il devinait si bien, il lisait si clairement l’attention guetteuse de la comtesse, qu’il demeurait immobile, les yeux levés devant lui, intéressés, semblait-il, au fil de fumée grise du tabac.