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Il dit enfin :

— Eh bien. Allez-vous mieux ?

La comtesse répondit :

— Oui, un peu. Ce ne sera rien. Vous avez demandé une voiture ?

— Oui, vous l’aurez tout à l’heure.

— Merci, mon ami, ce n’est rien. J’ai eu trop de chagrins depuis quelque temps.

— La voiture est avancée ! annonça bientôt un domestique.

Et Bertin, plein d’angoisses secrètes, soutint jusqu’à la portière son amie pâle et encore défaillante, dont il sentait battre le cœur sous le corsage.

Quand il fut seul, il se demanda : « Mais qu’a-t-elle donc ? pourquoi cette crise ? » Et il se mit à chercher, rôdant autour de la vérité sans se décider à la découvrir. À la fin, il s’en approcha : « Voyons, se dit-il, est-ce qu’elle croit que je fais la cour à sa fille ? Non, ce serait trop fort ! » Et combattant, avec des arguments ingénieux et loyaux, cette conviction supposée, il s’indigna qu’elle eût pu prêter un instant à cette affection saine, presque paternelle, une apparence quelconque de galanterie. Il s’irritait peu à peu contre la comtesse, n’admettant point qu’elle osât le soupçonner d’une pareille vilenie, d’une si inqualifiable infamie, et il se promettait, en lui répondant tout à l’heure, de ne lui point ménager les termes de sa révolte.