reviendrait dans la soirée ; puis elle écrivit des lettres ; puis elle rêvassa quelque temps, surprise que ce simple changement de lieu eût reculé dans un passé qui semblait déjà lointain le grand malheur qui l’avait déchirée. Elle ne pouvait même se convaincre que son retour de Roncières datât seulement de la veille, tant l’état de son âme était modifié depuis sa rentrée à Paris, comme si ce petit déplacement eût cicatrisé ses plaies.
Bertin, arrivé à l’heure du dîner, s’écria en l’apercevant :
— Vous êtes éblouissante, ce soir !
Et ce cri répandit en elle une onde tiède de bonheur.
Comme on quittait la table, le comte, qui avait une passion pour le billard, offrit à Bertin de faire une partie ensemble, et les deux femmes les accompagnèrent dans la salle de billard, où le café fut servi.
Les hommes jouaient encore quand la duchesse fut annoncée, et tous rentrèrent au salon. Mme de Corbelle et son mari se présentèrent en même temps, la voix pleine de larmes. Pendant quelques minutes, il sembla, au ton dolent des paroles, que tout le monde allait pleurer ; mais, peu à peu, après les attendrissements et les interrogations, un autre courant d’idées passa ; les timbres, tout à coup, s’éclaircirent, et on se mit à causer natu-