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lawn-tennis était un grand carré d’herbe planté de pommiers, enclos par le parc, par le potager et par les fermes dépendant du château. Le long des talus qui le limitaient de trois côtés, comme les défenses d’un camp retranché, on avait fait pousser des fleurs, de longues plates-bandes de fleurs de toutes sortes, champêtres ou rares, des roses en quantité, des œillets, des héliotropes, des fuchsias, du réséda, bien d’autres encore, qui donnaient à l’air un goût de miel, ainsi que disait Bertin. Des abeilles, d’ailleurs, dont les ruches alignaient leurs dômes de paille le long du mur aux espaliers du potager, couvraient ce champ fleuri de leur vol blond et ronflant.

Juste au milieu de ce verger on avait abattu quelques pommiers, afin d’obtenir la place nécessaire au lawn-tennis, et un filet goudronné, tendu par le travers de cet espace, le séparait en deux camps.

Annette, d’un côté, sa jupe noire relevée, nu-tête, montrant ses chevilles et la moitié du mollet lorsqu’elle s’élançait pour attraper la balle au vol, allait, venait, courait, les yeux brillants et les joues rouges, fatiguée, essoufflée par le jeu correct et sûr de son adversaire.

Lui, la culotte de flanelle blanche serrée aux reins sur la chemise pareille, coiffé d’une casquette à visière, blanche aussi, et le ventre un peu sail-