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Une caille, dans un pré voisin, jetait son double cri, et Julio, les oreilles dressées, s’en alla à pas furtifs vers les deux notes de flûte de l’oiseau. Annette le suivit, aussi légère que lui, retenant son souffle et se baissant.

— Ah ! dit la comtesse restée seule avec le peintre, pourquoi les moments comme celui-ci passent-ils si vite ? On ne peut rien tenir, on ne peut rien garder. On n’a même pas le temps de goûter ce qui est bon. C’est déjà fini.

Olivier lui baisa la main et reprit en souriant :

— Oh ! ce soir, je ne fais point de philosophie. Je suis tout à l’heure présente.

Elle murmura :

— Vous ne m’aimez pas comme je vous aime !

— Ah ! par exemple !…

Elle l’interrompit :

— Non, vous aimez en moi, comme vous le disiez fort bien avant dîner, une femme qui satisfait les besoins de votre cœur, une femme qui ne vous a jamais fait une peine et qui a mis un peu de bonheur dans votre vie. Cela, je le sais, je le sens. Oui, j’ai la conscience, j’ai la joie ardente de vous avoir été bonne, utile et secourable. Vous avez aimé, vous aimez encore tout ce que vous trouvez en moi d’agréable, mes attentions pour vous, mon admiration, mon souci de vous plaire, ma passion, le don complet que je vous ai fait de mon être intime.