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Sur la pelouse, trois lourdes vaches, rassasiées d’herbe, accablées de chaleur, se reposaient couchées sur le flanc, le ventre saillant, repoussé par la pression du sol. Allant de l’une à l’autre avec des aboiements, des gambades folles, une colère gaie, furieuse et feinte, un épagneul de chasse, svelte, blanc et roux, dont les oreilles frisées s’envolaient à chaque bond, s’acharnait à faire lever les trois grosses bêtes qui ne voulaient pas. C’était là, assurément, le jeu favori du chien, qui devait le recommencer chaque fois qu’il apercevait les vaches étendues. Elles, mécontentes, pas effrayées, le regardaient de leurs gros yeux mouillés, en tournant la tête pour le suivre.

Annette, de sa fenêtre, cria :

— Apporte, Julio, apporte.

Et l’épagneul, excité, s’enhardissait, aboyait plus fort, s’aventurait jusqu’à la croupe, en feignant de vouloir mordre. Elles commençaient à s’inquiéter, et les frissons nerveux de leur peau pour chasser les mouches devenaient plus fréquents et plus longs.

Soudain le chien, emporté par une course qu’il ne put maîtriser à temps, arriva en plein élan si près d’une vache, que, pour ne point se culbuter contre elle, il dut sauter par-dessus. Frôlé par le bond, le pesant animal eut peur, et, levant d’abord la tête, se redressa ensuite avec lenteur sur ses quatre