Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

paroles douces, il se remit à causer, ne voyant qu’elle, n’écoutant qu’elle dans cette grande cohue flottante.

Pour la remercier, il murmura près de son oreille :

— J’ai une envie folle de vous embrasser.

Une chaude émotion la traversa et, levant sur lui ses yeux brillants, elle répéta sa question :

— Alors, vous m’aimez toujours ?

Et il répondit, avec l’intonation qu’elle voulait et qu’elle n’avait point entendue tout à l’heure :

— Oui, je vous aime, ma chère Any.

— Venez souvent me voir le soir, dit-elle. Maintenant que j’ai ma fille, je ne sortirai pas beaucoup.

Depuis qu’elle sentait en lui ce réveil inattendu de tendresse, un grand bonheur l’agitait. Avec les cheveux tout blancs d’Olivier et l’apaisement des années, elle redoutait moins à présent qu’il fût séduit par une autre femme, mais elle craignait affreusement qu’il se mariât, par horreur de la solitude. Cette peur, ancienne déjà, grandissait sans cesse, faisait naître en son esprit des combinaisons irréalisables afin de l’avoir près d’elle le plus possible et d’éviter qu’il passât de longues soirées dans le froid silence de son hôtel vide. Ne le pouvant toujours attirer et retenir, elle lui suggérait des distractions, l’envoyait au théâtre, le poussait