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les portes grandes ouvertes. Les tables, pressées, entourées de gens en train de manger, étaient répandues par longues files dans les chemins voisins, à droite et à gauche du passage étroit où les garçons couraient, assourdis, affolés, tenant à bout de bras des plateaux chargés de viandes, de poissons ou de fruits.

Sous la galerie circulaire c’était une telle multitude d’hommes et de femmes qu’on eût dit une pâte vivante. Tout cela riait, appelait, buvait et mangeait, mis en gaîté par les vins et inondé d’une de ces joies qui tombent sur Paris, en certains jours, avec le soleil.

Un garçon fit monter la comtesse, Annette et Bertin dans le salon réservé où les attendait la duchesse.

En y entrant, le peintre aperçut, à côté de sa tante, le marquis de Farandal, empressé et souriant, tendant les bras pour recevoir les ombrelles et les manteaux de la comtesse et de sa fille. Il en ressentit un tel déplaisir, qu’il eut envie, soudain, de dire des choses irritantes et brutales.

La duchesse expliquait la rencontre de son neveu et le départ de Musadieu emmené par le ministre des Beaux-Arts ; et Bertin, à la pensée que ce bellâtre de marquis devait épouser Annette, qu’il était venu pour elle, qu’il la regardait déjà comme destinée à sa couche, s’énervait et se révoltait