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portes sur le boulevard extérieur, Bertin s’aperçut que quatre heures allaient sonner.

— Oh ! dit-il, il faut rentrer.

Et ils gagnèrent doucement le boulevard Malesherbes.

Quand il eut quitté la jeune fille, le peintre descendit vers la place de la Concorde, pour faire une visite sur l’autre rive de la Seine.

Il chantonnait, il avait envie de courir, il aurait volontiers sauté par-dessus les bancs, tant il se sentait agile. Paris lui paraissait radieux, plus joli que jamais. « Décidément, pensait-il, le printemps revernit tout le monde. »

Il était dans une de ces heures où l’esprit excité comprend tout avec plus de plaisir, ou l’œil voit mieux, semble plus impressionnable et plus clair, où l’on goûte une joie plus vive à regarder et à sentir, comme si une main toute-puissante venait de rafraîchir toutes les couleurs de la terre, de ranimer tous les mouvements des êtres, et de remonter en nous, ainsi qu’une montre qui s’arrête, l’activité des sensations.

Il pensait, en cueillant du regard mille choses amusantes : — « Dire qu’il y a des moments où je ne trouve pas de sujets à peindre ! »

Et il se sentait l’intelligence si libre et si clairvoyante que toute son œuvre d’artiste lui parut banale, et qu’il concevait une nouvelle manière